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LGUYHAUTEVILLE01
8 octobre 2014

immigration italienne : Les Caristia, une famille d'artiste

LES « CARISTIA », UNE FAMILLE D’ARTISTES.

 

Comment relier cette famille d’artistes italiens à notre plateau, alors que s’éloigne l’idée que le bel autel de Champdor a depuis toujours été attribué à Pierre Antoine Caristia ?

Essayons tout de même d’enquêter sur cette famille et voir pourquoi ce nom prestigieux dans la région s’est trouvé mêlé à notre histoire.

 

Qui étaient les Caristia ?

 

Nous ne trouvons pas moins de quatre personnes portant ce nom dans la région aux XVII et XVIII ème siècle. Ils sont tous issus de la province de Novare en Italie.

 

Giacomo Caristia né vers 1631 s’établit à Bourg comme armurier et arquebusier vers 1660, âgé de 42 ans,  il épousa le 28 novembre 1673, Françoise Journet  certainement dans la cité de Bourg.

 

Michel Caristia fut maçon à Simandre à la même époque, on lui doit l’abside de l’ancienne église de Simandre et l’on suppose qu’il a participé à la reconstruction de la chartreuse de Sélignac vers 1669.

 

Michel Ange Caristia est enregistré comme entrepreneur et Architecte à Montluel en 1720, il habite Montluel, On lui doit une tribune sur huit piliers dans l’église de Villebois pour la confrérie des pénitents. Il est frère de Pierre Antoine Caristia, ce soi-disant créateur de l’autel de Champdor.

 

Pierre Antoine et Michel Ange sont les fils de Jean Caristia et de Marie Marque, ils sont originaires du Val Sésia, paroisse de La Riva (Riva Valdobbia) dans le diocèse de Novare en Italie.

Le Val Sesia est une région du Pièmont située entre Turin et Milan, près des lacs italiens. Les maçons de La Riva durent quitter leur région à cause du surpeuplement du village désuni depuis le moyen âge de la paroisse mère de Scoppa. Nous les trouvons non seulement dans l’Ain, mais aussi en Savoie où nous leur devons de nombreuses églises baroques, ils apportent avec eux leur savoir faire, pratique héréditaire du stuc et de l’architecture piémontaise. Nous reviendrons plus tard sur cette technique qui semble avoir été employée dans l’autel de Champdor.

Né vers 1694, Pierre Antoine Caristia habite tout d’abord Balan, probablement parce qu’à cette époque, ce village est un port sur le Rhône, ce qui facilite l’accès des pierres pour les diverses constructions. Le 31/10/1734, sa fille Anne Marie est baptisée dans l’église de Balan de son mariage avec Annette Cretin. Anne deviendra sœur de la charité, à l’hôtel Dieu de Bordeaux.

Pierre Antoine Caristia fut conseiller dans la ville de Montluel où il décèdera le 4 mai 1774, il fut « ensepulturé » comme l’on disait à l’époque dans l’église Saint Etienne de Montluel qui était sa paroisse et dont il ne subsiste que le porche à ce jour, grande rue à Montluel.

 

Œuvres de Pierre Antoine Caristia.

 

En 1722, il exécute des travaux avec son frère Michel Ange dans les chapelles nord de l’église Notre Dame des marais à Montluel, construit le couvent des visitandines de la ville. Il ne subsiste de cette œuvre que peu de chose, le couvent est devenu le siège de la Communauté de Commune, le portail a été refait dans le style néo byzantin.  Il répare les ponts et les chaussées et travaille pour l’hôtel de Condé. Il édifie l’hôpital vers 1741 toujours à Montluel, vers 1765-1766 nous lui devons l’apothicairerie de l’hospice.

P1020629 Intérieur de l'église de Montluel

En 1744, un incendie détruit l’hôpital à quelques semaines de sa mise en fonction, il sera achevé en 1747.

Nous le trouvons enfin dans de nombreux endroits du département, il reconstruit l’église de Chalamont, celle de Pont de Veyle en 1746 mais il ne l’acheva qu’en 1755. On lui doit aussi le clocheton de l’église de Chatillon les Dombes.

 

Les relations entre Pierre Antoine Caristia et Champdor :

 

 Il existe deux endroits qui doivent retenir notre attention, Saint Trivier sur Moignans et surtout Varambon.

Pourquoi Saint Trivier sur Moignans, tout d’abord parce que l’on retrouve Pierre Antoine Caristia, aidé d’un frère appelé Joseph et d’un cousin nommé Jean Pierre, maître d’œuvre de la reconstruction de l’église.

 

D’où provenaient les fonds, un certain Antoine Guillot né à  Champdor  a été curé du lieu, il avait déposé de l’argent dont on ignore la provenance pour la restauration de l’église auprès de Messieurs de l’hôpital de la Charité de Lyon. Il quitta son poste qui fut transmis à Monsieur Montillet, prêtre et bachelier en théologie qui continua les travaux « forts au goût » du Sieur Guillot. Ce dernier part pour Rome accompagné de ses deux neveux venus d’Espagne*. Dans sa correspondance, il fait mention de deux tableaux offerts et installés dans ses chapelles. Effectivement il existe toujours deux tableaux de cette époque dans l’église de saint Trivier sur Moignans.

 

 

Un autre éminent personnage naît à Champdor  le 13/3/1702, il s’agit de Monseigneur Jean François de Montillet, il deviendra évêque d’Oloron puis d’Auch.

portrait JJean François de Montillet Archevêque d'Auch

A la fin de sa vie, dans son testament : il lègue à son parent de Champdor,  « un pendule à carillon, son écuelle avec son couvercle, sa croix pectorale d’or massif, sa boite de tabac d’or, une relique de st François de Sales dans un reliquaire à filigrane d’argent offert par le souverain pontife Clément XIII. Il lui donne aussi le tableau de Saint Jean Baptiste qui a été apporté d’Italie et qu’il tenait de son oncle Joseph de Revol, évêque d’Oloron et un autre tableau représentant l’élévation de Jésus Christ en croix ainsi que son crucifix d’ivoire d’une seule pièce qui est dans une boite d’ébène… »

                                                                                                                                                        

 

Croyez vous que nous soyons loin de l’église de Champdor, certainement pas car le tableau de Saint Jean Baptiste trône toujours dans la chapelle du Château à l’intérieur de l’église de Champdor. Joseph de Revol fut évêque à Oloron du 17/1/1706 à1735, il eut antérieurement une période romaine, ce tableau de Champdor a donc pour origine l’Italie, c’est une peinture exécutée  dans la tendance maniériste caravagesque de cette époque. Caravage est mort en 1610 mais il avait fait école, bien qu’il travaillât toujours en solitaire.

                                   

Saint Jean Baptiste, école italienne du Caravage

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  fac-similé de la signature de Caristia

 

Et Varambon me direz vous ? Là c’est une autre histoire…

Il était une fois un homme appelé Jean François Balland baptisé le 9 octobre 1708 à Lantenay, fils d’Anthelme Balland et Marie Madeleine Guillot. Il eut pour parrain Joseph Guillot Vignot, né à Champdor 31/3/1672, marchand résident à Valence en Espagne et pour Marraine Antoinette Guillot sa sœur, née le

 1/8/1683.

Ce Jean François Balland fut-il aidé par son parrain qui commerçait avec le nouveau monde comme toute l’Espagne le faisait à l’époque, toujours est-il qu’on le retrouve vers 1750 gouverneur du Port de Paix en l’île de Saint Domingue aux Antilles, il s’enrichit considérablement et devient Jean François Balland d’Augustebourg, marquis deVarambon, baron de Richemont, Seigneur de La Palud par acquisition de ce fief au prix de 350.000 livres –étude Boulard au Châtelet à Paris- Il se marie à Anne Marie de  Saint Saulieu de Sainte Colombe, veuve de son ami Pierre de Saint Saulieu.

                                            

                    Jean François Balland d’Augustebourg, Marquis de Varambon

 

                         

Ayant acquis le domaine de Varambon, il décide de consacrer 50000 écus à la restauration de son église paroissiale, et devinez qui est l’architecte et le maître d’œuvre de ce travail, Pierre Antoine Caristia bien sûr. Non seulement cette église est reconstruite dans la plus pure tradition italienne : église halle, dôme, mais elle s’enrichit d’un escalier monumental à l’extérieur. Cependant sa façade est d’inspiration gothique -1770-

                                                                     

 Escalier monumental, église de Varambon œuvre de Pierre Antoine Caristia

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Pierre Antoine Caristia est-il l’artiste qui a crée les autels ou les a-t-il simplement livrés?

 

 C’est dans cette église qu’apparaît un autel absolument semblable à celui de Champdor.

Deux véritables frères jumeaux, celui de Champdor aurait été offert par Jean François Balland d’Augustebourg pour décorer l’église en hommage à sa mère, native du lieu -acte de baptême du 27/12/1669 Fille de Louys Guillot Vignot et Magdeleine Tournier La croix-.

                                                                    

         Autel de l'église de Champdor

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AutelVarambon

Autel de l'église de Varambon

 

Ces deux autels sont de même facture : dans la plus pure tradition baroque, assemblage de divers marbres : brun, blanc de carrare pour la statuaire, violet d’Italie, vert des Alpes, bigarré et Jaune de Sienne.

Ces œuvres sont-elles de Caristia ? Ou ont-elles été fournies par l’atelier de Lyon  des frères Doret comme le laisse penser l’éminent Paul Cattin, ancien directeur des archives de l’Ain ?

Toujours est-il que le choix a pu être fait par Caristia, le maître d’œuvre de Varambon.

Mais une idée m’obsède, la technique des maçons italiens dans l’art du stucage était à cette époque très connue en Savoie comme dans l’Ain.

Bien sûr il y a des marbres mais aussi ce savoir faire que tous les artistes venus de Val Sesia possédaient d’une façon quasi innée. Ils travaillaient le gypse, très courant en Savoie notamment, il construisait un four « à gria » ou l’on cuisait le gypse. Le stuc était alors un mélange de plâtre très fin, d’alun, de gélatine, de poudre calcaire (craie ou marbre) de chaux éteintes et de pigments colorants avec lequel le stucateur réalisait des enduits lustrés imitant le marbre et la pierre polie.

 De nombreux autels des églises de Savoie sont réalisés avec cette méthode et les maçons qu’ils s’appellent Chiesa, Deléglise, La vogna, Rosso venaient tous du Val Sesia.

Regardez de très près ces œuvres, vous remarquerez certes les belles statues en marbre de Carrare, sur l’autel de Champdor : une vierge en assomption au dessus du tabernacle, saint Victor patron de la paroisse et saint François de Sales. Pour l’autel de Varambon, à gauche sainte Anne et la Vierge, à droite, sainte Colombe en hommage à Anne Marie de Saulieu de saint Colombe, épouse de Jean François Balland d’Augustebourg, ces deux dernières statues sont moins soignées que celles de Champdor.

Mais pour l’ensemble de ces deux œuvres, les brocatelles de marbre et le stucage baroque offrent une représentation idéale de l’art italien.

Il faudrait que nous retrouvions dans les archives de Balland d’Augustebourg, des  paroisses de Champdor et Varambon ou de la charité de Lyon, le prix fait pour ces deux œuvres, ainsi serait levé l’énigme qui entoure leur création. Ne désespérons pas, cela adviendra peut-être.

L.G.

 

 

*Antoine Guillot pourrait être le frère de Louis Guillot Vignot marié à Magdeleine Tournier Lacroix qui ont eu pour fils Joseph Guillot, marchand en Espagne, son autre neveu pourrait être Jean François Balland ?

 

 

Bibliographie :

 

Paul Cattin :

Mille ans d’art religieux dans L’Ain –La taillanderie éditeur-

 Dictionnaire des artistes.

Thierry Faure David- Nillet :

Remerciements pour les documents transmis,

 Testament de jean François de Montillet

Correspondance Antoine Guillot, Montillet curé de saint Triviers sur Moignans

Regain :

 Relevés généalogiques.

Visage de l’Ain :

Patrimoine Varambon par Marie-Hélène Favier

Richesses archéologiques du canton de Brénod

Collections privées : photos.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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