Paul Claudel et le Valromey
PAUL CLAUDEL ET LE VALROMEY.
A Paris, le Studio Théâtre de la Comédie Française a repris « la Cantate à trois voix » de Paul Claudel, ainsi ont résonné dans les rouges et les ors d’une salle de la capitale les noms d’Artemare, de Virieu et de Champdossin.
Rappelons rapidement qui était Paul Claudel. Paul Louis Charles Marie Claudel naît à Villeneuve sur Fère, petit village de 300 âmes dans le Tardenois le 6 août 1868. Il a un frère et deux sœurs dont Camille née en 1864 immortalisée à l’écran par Isabelle Adjani dans le très beau film « Camille Claudel ». Le talent de sculpteur de Camille entraîna la famille à Paris où Paul fit de brillantes études au Lycée Louis le Grand.
Le jour de Noël 1886, Claudel se convertit dans l’église Notre Dame durant les vêpres au chant du « Magnificat ». Il aborde la littérature et commence une carrière magnifique d’écrivain de théâtre, il écrira des pièces qui ne cesseront d’être interprétées jusqu’à ce jour.
Il n’est pas une année où l’on ne reprenne « l’annonce faite à Marie » « Le soulier de satin » « Tête d’or » ou « l’échange » « le pain dur » et « le père humilié ».
Après un séjour à New York comme vice-consul et plusieurs séjours en Chine, au Japon, à Rio de Janeiro, à Hambourg et à Francfort où il est consul Général, il viendra séjourner au château d’Hostel en Valromey où il écrira « la cantate à trois voix » et s’inspirera de la fontaine de l’Adoue pour situer une des scènes de sa pièce « l’annonce faite à Marie ». Il épousera Reine Sainte-Marie Perrin, fille de l’architecte de Fourvières.
Il sera ambassadeur au Japon, à Bruxelles en 1933 où il composera sa « Jeanne au bûcher » mise en musique par Arthur Honegger. Nommé ambassadeur à Washington puis à Rome où il sera présent lors du sacre de Pie XII en 1939. En 1947, il sera reçu à l’Académie Française et prendra sa retraite dans son château de Brangues en Isère.
Ce survol de la vie de Paul Claudel démontre quelle personnalité était Paul Claudel et combien le Valromey peut être honoré de sa présence lors de son séjour en 1911.
Comme nous l’avons écrit précédemment, deux œuvres de Claudel ont pris pour décor la fontaine de l’Adoue et la terrasse du château de l’Hostel.
Dans « l’annonce faite à Marie » Violaine va cacher sa lèpre dans la grotte de la source de l’Adoue et rencontre Mara. Claudel écrit « La fontaine de l’Adoue c’est un grand trou carré dans une paroi verticale de blocs calcaires » Acte II Scène III. C’est peu, mais l’on sent vraiment que ce lieu ne l’a pas laissé indifférent.
Cette œuvre fut représentée en 1944 à Hauteville sur l’initiative du père Blanchet d’Hélios, grand ami de Paul Claudel avec dans les principaux rôles : Pierre de Craon était interprété par le docteur Sestier qui fondera le groupe scout, Violaine : madame Delanoy, Mara : Mademoiselle Julienne. Les décors furent brossés par Jean Latreille.
« Le soulier de satin » fut donné plus tard par une troupe de Miribel que connaissait l’Abbé Henri Orset.
Pour la cantate, le poète devient plus prolixe.
La scène se passe au solstice de l’été sur la terrasse de l’Hostel où trois femmes se rencontrent.
Les terrasses du Château de l'Hostel
Laeta, la plus jeune, latine rêve d’un amour idéal, Fausta, Polonaise en exil, pense à son mari et Beata l’Egyptienne, veuve, pleure le disparu. Il y a des vignes, des moissons, les odeurs entêtantes de l’été. Et dans ce décor, un discours poétique s’élève entre les trois femmes :
Laeta :« Dix routes blanches, phosphorescentes qui reparaissent et se nouent, et disparaissent, serpentent…
Fausta :Cent villages aux vieux noms latins, Artemare, Virieu, Biollaz*,Chandossin* »
Laeta :
« l’hostel qui veut dire à la fois la Porte, et le Refuge et l’autel »
Fausta : « Entre ces deux promontoires qui barrent l’aurore et le soir, que le soleil l’un après l’autre colore, Le Colombier et la montagne-de-colère, se baisant, se couvrant de leur ombre, tour à tour comme deux bœufs accouplés qui se lèchent l’un l’autre l’encolure »
Ainsi dans ce texte poétique, les personnages sont tiraillés entre désir et désert. « La terre est désir, le ciel est désert » ainsi s’exprime Claudel.
Le passage dans notre région de ce grand poète du XXème siècle est notre fierté. Malgré ses pérégrinations dans le monde entier et son contact des plus grands personnages de ce monde, Claudel n’a jamais oublié son passage dans notre département.
Cent villages aux vieux noms latins.....
Dans le cadre des festivités dans le Valromey aura-t-on un jour le plaisir de voir jouer « la cantate à trois voix » sur les lieux même qui l’ont inspirée.
Splendeur du Valromey, Cliché Michel Gonin