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LGUYHAUTEVILLE01
29 juillet 2016

Une vie bien remplie : l'histoire d'Anna fille du Bugey

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Anna à 31 ans

Dans ce document, rien n'est inventé, et l'on dirait un scénario de film. Histoire d'une  fille du village de Lompnes au XIX ème et XXème siècle.

Les parents d' Anna s'étaient rencontrés à Paris où ils étaient tous les deux placés dans des maisons bourgeoises.

Sa mère Marie Alphonsine Deforges était originaire de Belâbre dans l'Indre, elle était femme de chambre et résidait 2 rue d'Aumale à Paris, elle était née le 6/9/1853, elle était fille de Narcisse Henry DEFORGES et d’Anne Olympe Rullaud.

 

 Son père Jean Honoré Hugon était né à la Maladière,

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 maison natale de Jean Honoré Hugon, devenue villa les Tilleuls-

pour trouver du travail il partit à Paris, où il termina maître d'hôtel  au 64 rue de Lisbonne dans l'hôtel particulier de Monsieur Boivin. Ils se sont mariés à la mairie du 9ème arrondissement de Paris le 15/1/1876 et à l'église de la Madeleine. Petit mariage de gens de maison, dans une chapelle de l’église, mais ils avaient bénéficié de la musique d’un mariage en grande pompe dans la nef avec un Suisse comme il était de bon ton d’en avoir dans les cérémonies importantes de la bourgeoisie.

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Rentrés au pays à Lompnes, ils se comportaient au vu de la population locale comme un jeune ménage parisien, c'est à dire qu'ils se promenaient dans les rues en se donnant le bras, ce n’était pas commun à Lompnes,  ce qui valut à la mère d'Anna le sobriquet de "La Parisienne" par les autochtones.

 

Ils achetèrent une maison dans la rue principale du village en 1890, Jean Honoré Hugon  tenait une auberge café de campagne, ce qui lui valut  le sobriquet de "mastroquet ". Ils eurent 6 enfants,  Anna était la quatrième, sa sœur ainée, marie Julie Olympe est morte à 16ans, sa sœur Gabrielle Virginie à 25 ans, elles sont mortes toutes deux de tuberculose, la maladie faisait des ravages à l'époque.

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 On lit au dessus de la porte "Hugon Auberge", comme dans toutes les campagnes on y entrait par la porte de grange

La maman d'Anna est morte en 1896, Anna avait 13 ans, c'est elle qui a pris la responsabilité de toute la famille. Sa mère avait planté un rosier dans le jardin derrière la maison avant de mourir, où il existe encore.

 

Quand  Anna est allée à l'école de Lompnes, elle ne parlait que le français, ce sont les petites filles du village qui lui ont appris le patois local.

Petite, elle avait déjà une forte personnalité. La tradition orale a transmis trois anecdotes concernant son enfance. La première, quand elle allait chercher le pain à la boulangerie, une grosse couronne familiale, elle s'en servait de cerceau....Quand on se souvient des chaussées très boueuses et "enfumiées" de l'époque, le pain devait avoir du goût!

La deuxième: ayant été impoli avec un homme du village, son père la conduisit vers cet homme pour lui faire demander pardon.

Cachée dans le sarrau de son père, tandis que celui-ci conversait avec le quidam, elle sortait la tête et lui tirait encore la langue...

La troisième: avec ses camarades, elles allaient dans la propriété du château d'Angeville, cueillir des noisettes, ce qui était strictement interdit, prise en flagrant délit par le garde, elle dut aller solliciter à genoux le pardon de la comtesse , elle avait gardé de cette journée, un fort sentiment de révolte qui lui firent adopter des sentiments très républicains....

Sa dernière sœur Berthe Louise mourut à 6 ans, elle dut donc régenter une maison d'hommes : son père, son frère Henri et son frère Gaston. Ses frères lui ont toujours gardé une grande admiration toute leur vie. Pour se marier, Gaston voulut demander la permission à sa sœur, ce qui étonna grandement sa future épouse Marie-Louise Droguet.

 

Très jeune, elle se plaça à Saint Etienne dans une grande maison bourgeoise comme domestique, elle sut se rendre indispensable puisqu'elle devint un peu la dame de compagnie de la patronne, elle assurait l'intendance de la maison, les journées étaient longues, elle se terminait par la promenade du petit chien de Madame dans les rues de Saint Etienne.

Son port et sa beauté lui valaient beaucoup de regard de la part des jeunes gens.

Un soir de réception chez ses patrons, elle se tenait dans le salon, des visiteurs la prenant pour la patronne allèrent lui présenter leurs hommages, à la suite de cet incident la patronne lui fit porter un beau tablier de domestique....

Son patron acheta en 1904 une voiture Dedion-Bouton, l'argent ne manquait pas il décida de faire cadeau à sa femme d'un tour de France, c'est ainsi qu' Anna comme dame de compagnie, connut entre autres, le Mont saint Michel, le cirque de Gavarnie, Chamonix où elle monta au Brévent sur un plateau porte-bois, elle eut la peur de sa vie puisque nous disait-elle ; elle se tenait à "quatre pattes" sur le plateau et elle voyait le vide entre les planches disjointes....Elle a dû voir beaucoup d'autres sites, mais les trois cités ci-dessus l'avaient beaucoup impressionnée. Elle se souvenait encore des voilettes qu'elle portait en voiture, pour se protéger du soleil, la mode était aux peaux blanches et Anna avait tendance à bronzer facilement.

C'est durant cette période qu'elle se rendit à la noce de sa cousine à Belâbre, un voyage fait de chemin de fer et de diligence...Elle arriva un soir, elle fut logée au château de Bélâbre, où sa cousine devait travailler. Elle dut aller faire ses civilités auprès de la comtesse du lieu, qui la reçut sur son lit d'apparat, coiffée et maquillée pour la nuit, ce qui impressionna beaucoup  Anna.

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la photo du mariage prise dans la ville de Le Blanc.Remarquer sur le balcon, la jeune femme, c’est Anna.

 

Ensuite, elle prit une nouvelle place pour se rapprocher du pays à Saint Félix à côté d'Aix les bains, où elle resta plusieurs années. Anna a toujours eu le mal du pays, elle démissionna donc de sa place pour rentrer au village. Son patron de Saint Félix regrettant ses  bons services revint la chercher, mais  Anna avait un projet local et ne donna pas suite, elle voulait ouvrir un commerce et agrandir sa maison et la moderniser pour en faire des chambres d'accueil pour les accompagnants de malade.

 

Elle avait alors 24 ans.

Elle se maria une première fois en 1907 avec Philibert Combet qui était le cocher du château d'Angeville.Le cocher était fort amoureux d'Anna ; dans ses attributions, il devait atteler les chevaux au coupé et aller les aérer...Un jour à la sortie de l'allée d'Angeville, il fit monter dans le coupé  Anna et son amie Jeanne Célina Guy  pour les emmener à la vogue de Corlier. Vous vous doutez bien qu'elles firent forte impression quand elles débarquèrent dans le village.

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                        Anna et Jeanne

 

Elle épousa donc Philibert Combet en 1907, le jour des noces Philibert tomba malade (aucune idée sur ce qui le terrassa) il dut s'aliter le jour du mariage et mourut trois semaines après, le mariage ne fut jamais consommé. Sa cousine Madame Hermas Hugon née Rivat, en parlait encore dans les années 1960, bien sûr elle faisait partie de cette noce tragique.

Anna étant veuve, la tradition locale voulait que l'on fisse un tracassin pour fêter le remariage d'une veuve ou d'un veuf,  Anna n'y coupa pas, cependant en femme avisée, dès les premiers coups de trompettes, cymbales et autres coups de marteaux sur couvercles de poubelles, elle fit mettre en perce rapidement un tonneau dans la cour pour abreuver les fêtards et le tracassin cessa aussitôt.

Devenue veuve, elle fut fréquentée par Louis Guy, il se marièrent en mai 1910.

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Louis Guy 1875 -1921

Ils eurent trois enfants Paulette Gabrielle en Octobre 1910, gorges François en 1917 et Georgette Jeanne en 1920, les deux petits moururent en bas âge. On peut penser dans nos jours que le sang du couple  était incompatible ; l'ainée, une fille vit toujours, les autres enfants meurent  dans les premières années de leur vie.

 Louis n'avait pas une très bonne santé. Son frère Philippe,  non plus, Philippe mourut le premier en 1914,  Louis en 1921 d'une sorte d'empoisonnement du sang ? Il avait souvent des furoncles,'il portait même un anneau de cuivre très près du lobe de son oreille, une manière de se soigner à l'époque

Il était extrêmement doué en mécanique, il aida à l'installation de le centrale électrique de Mangini ou de Bellecombe, je ne sais plus, puis il fonda une petit commerce d'horlogerie à Lompnes.

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Il vendit des Horloges marquées de son nom,  deux de celles-ci sont encore existantes sur le plateau. Il réparait les montres des malades et il faut croire qu'il travaillait bien puisque ceux-ci rentrés à Paris lui expédiaient leurs montres pour les réparations dans une petite caissette avec cachets de cire.  le sceau de Louis qui lui servait pour le retour des boîtes vers la capitale est toujours là.

Elle perdit le petit Georges en 1920, en mai 1921 elle perdait sa petite Georgette, et son mari en novembre 1921. Elle avait vraiment de quoi devenir folle, elle passa des années terribles,  à se rendre au cimetière, où on l'a vit, creuser la tombe avec ses mains.

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Depuis ces dates, elle tomba dans une dépression qui ne l'a jamais quittée tout au long de sa vie.

Cependant il fallait élever Paulette, fillette  chétive et d'un caractère assez renfermée, la mort rôdait trop auprès de l'enfant, Paulette se souvenait qu'elle avait été habillée de noir durant toute son enfance et que sa mère pour la fortifier lui faisait boire de l'eau de clous rouillés!!!

              

Je crois qu' Anna essaya de se tuer par le travail. Après la mort de son mari, elle fonda un petit commerce, un genre de comptoir westernien où l'on trouvait de tout : alimentation, mercerie, faïence et porcelaine, puis tabac papeterie, cartes postales, etc. En plus du commerce qu'elle tenait chaque jour de la semaine, elle assurait aussi l'aide cuisinière, à la pension Corbet, et Chez Cachet actuellement le tabac de Lompnes. Elle fut la marraine de Georges Cachet le fils..

                               

Elle faisait aussi le Poids public, et les colis pour le petit tramway de l'Ain. En plus de cela elle avait aussi deux (?) chambres d'accompagnants de malades. Le 6 Novembre 1927 elle fit monter sa maison de 2 étages pour le prix de 13.999.76 F  par l'entreprise Ruby.

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Elle fit l'acquisition au bout de la cour de la place à fumier appartenant à Charles Chapuis et Antonia Ancian au prix de 1000 f le 16/1/1928, ce qui lui valut de voir sa cour privée du soleil du Sud par la construction que fit monter son voisin, frère de Charles, mécontent de cette cession.

Elle fit monter sa maison de deux étages.

  A la mort de  Louis, elle louait des chambres aux accompagnants de malade tuberculeux, jusqu’à l’agrandissement de sa maison en 1927. C’est ainsi qu’en 1922 elle avait comme passagères une mère et sa fille de nationalité russe qui avait dû fuir la révolution de 1917. C’était des nobles qui avaient leur photo prise à la cour de Russie. Le jour de la vogue de Lompnes, quand elles entendirent les pétards, elles crurent que la révolution arrivait en France et se cachèrent sous le lit.

A l’agrandissement de sa maison, elle put louer 3 appartements,

Anna était mal dans sa "peau", elle vivait avec une dépression tenace, elle dut subir des électrochocs à La Madeleine à Bourg, on soignait ainsi cette maladie et il y avait chez elle des cageots de médicaments donnés par quelques guérisseurs de passage., et bien sûr qu’elle ne prenait pas

 

...Il lui est arrivé la nuit en plein hiver de s'habiller et de partir dans la nature, son gendre naturellement bon, la suivait de loin pour voir ce qu'elle faisait, puis elle s'en retournait chez elle, elle devait être fort malheureuse. Durant la guerre, elle tenait sa petite épicerie et le tabac rationné, c'était le temps des tickets alimentation et décades pour le tabac. Elle fut cambriolée pendant la guerre.

Peu expansive, elle ne  faisait pas de grandes manifestations d’affection à ses petits enfaints : câlins, bisous, comme font toutes les grands-mères, cependant elle les aimait beaucoup.

 

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Elle les emmenait aux fraises, framboises, noisettes et ils l’accompagnaient souvent dans les visites qu’elle faisait aux gens du pays.  C’est ainsi qu'ils allaient faire quatre heures au Moulin Rivat ou Chez la Mélanie au Col de la Rochette.

C'est elle qui s'occupait du jardin, il lui fallait de l'activité. Elle aimait les voyages, elle est allée plusieurs fois à Lourdes,

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Elle adorait partir en voiture... Malgré sa maladie elle avait un sens très aigu de l'hospitalité, dès que les gens débarquaient chez elle, elle prenait en charge l'intendance les invitant à rester pour déjeuner ou diner.

 

Elle aimait beaucoup se joindre aux fêtes locales, vogue, kermesse, etc. et même la course de côte de la Rochette.

Elle descendait chaque jour le lait à Hauteville, chez sa petite fille, et ce qui n’était pas banal, c'est qu'elle passait par la côte de la chapelle, car les Vincent refaisaient les canalisations de la route, elle surveillait les travaux , ce qui amusait énormément l'entrepreneur François Vincent. Elle avait plaisir à garder les petits enfants,

 

A la mort son gendre en 1970, elle disait avoir perdu un vrai fils.

 Elle occupa ses journées par de petits travaux domestiques jusqu’à 92 ans.

 elle adorait les promenades en voiture (on va faire un petit tour disait-elle) et elle défrayait le chauffeur d'un billet de 100 francs pour l'essence, alors qu'il n'en  avais pas besoin, mais cela lui faisait plaisir.

 

Toujours très élégante malgré son grand âge, souliers à talons , bas fins, foulard de soie, et souvent un tablier fantaisie.

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En 1978, elle sortait encore au mois d'Août et Septembre pour manger les grenouilles à la Balme de Sillingy, visiter les vignobles de Cerdon si jolis dans leur couleur d’Automne.

 

 Puis en Octobre, les sorties s’arrêtèrent, elle vécut devant la télé, la mort du Pape Paul VI, l'élection de Jean Paul I, son décès, et elle aperçut de son fauteuil car elle ne marchait plus, le sacre de Jean Paul II, elle s'est éteinte en douceur en novembre 1978, l'année des 3 papes.

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A 90 ans, Anna méditait-elle sur sa vie

Anna s'éteignit peut de jours avant ses 95 ans après une vie bien remplie, convenons-en!

 

 

 

 

 

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