les choux de Champdor
LES CHOUX DE CHAMPDOR.
Je ne vous laisserais pas le temps de m’accuser de chauvinisme, je vous l’avoue tout de suite, les célèbres choux de Champdor étaient bien les choux de toute la région. C’est pour les mettre en valeur qu’un important grainetier avait trouvé cette heureuse appellation qui les faisait entrer dans la cour des grands –cœur de bœuf, saint Brieuc, Etampes etc. -
Ce sont nos ancêtres partant chaque hiver gagner leur minimum vital en peignant le chanvre dans l’Est de la France et nourris avec des choux moins savoureux que les nôtres qui les firent connaître. *
La promotion fut sans doute moins rapide qu’aujourd’hui et ils ne connurent jamais la notoriété des productions nationales comme les asperges d’Argenteuil, les artichauts du Léon ou la carotte Nantaise mais enfin la demande était là, nos choux catalogués de montagne furent vite très appréciés, à juste raison d’ailleurs, des choux aussi fermes, aussi goûteux cuits avec un pot au feu, en salade ou enrobant un faisan, allez trouver meilleur légume !
Bien sûr, il est moins distingué de manger du choux fut-il de Champdor que de savourer des pointes d’asperges mais chacun est bien libre de goûter ce qu’il aime et reconnaissez avec moi qu’une bonne soupe aux choux un soir d’hiver, c’est autrement convivial qu’un hot dog.
Aujourd’hui, quelques rares producteurs de graines existent encore. Amoureusement, ils cultivent et plantent encore à la mode du siècle passé, j’oserais même dire à la mode de chez nous. Tradition oblige, on les sème le 19 mars pour la saint Joseph, comme les nuits sont assez fraîches, il faut les couvrir le soir et se tenir prêts à les protéger du grésil d’avril et de la grêle de mai.
C’est en juin qu’on les planterait au jardin, le jardin était ce coin choisi en dehors du village, propre à chaque ferme et baptisé tout bonnement le jardin de choux, dernier paradis des derniers lièvres.
Mon voisin Louis Veyrat a joliment raconté dans son livre « Bugey que j’aime » l’histoire de ce cambot plus marchand de graines que peigneur de chanvre qui ayant raté sa récolte avait réussi à alimenter ses clients habituels en graines de ravenelle et les ravenelles même un agronome ne peut y trouver une différence avant la levée avec les graines de choux. Ce fut évidemment son dernier voyage et qui sait ? peut être le début du déclin du réseau commercial des choux de Champdor.
Vous pensez qu’il est bien banal de parler choux mais quand on sait que de nombreux motifs de décoration de l’église de Brou ont été empruntés au règne végétal et aux plantes communes de la région –les choux y sont représentés- et comme ils étaient déjà les meilleurs j’ai presque envie de les faire entrer dans la légende en affirmant que c’est peut être les nôtres qui ont servi de modèle…
Je n’irai pas jusque là mais sachez que même s’ils n’avaient pas la valeur symbolique de chêne ou de la marguerite en ce temps là :
« Un chou, c’était un chou ! »
M. GUY