Pascal Bruckner et Hauteville.
Pascal Bruckner et Hauteville.
Je viens de lire Un bon fils de Pascal Bruckner. La présence d’Hauteville dans ces pages m’a surpris.
Je cite : « Hauteville est un petit bourg sans charme, dans les contreforts du Jura, à une cinquantaine kilomètres de Genève. Situé à 900 mètres d’altitude, c’est un lieu voué tout entier aux disgrâces du corps, sanatorium hier, centres d’oncologie et d’addictologie aujourd’hui, sans oublier les inévitables établissements pour Alzheimer et les maisons de retraite.
Tout le haut du village est envahi de bâtiments anonymes que peuplent des spectres en chaises roulantes ou boitant sur des cannes.
Mon père, adolescent, son frère et sa sœur, très affectés par la disparition de leur mère et délaissés par leur père, y avaient été recueillis par une famille d’adoption, les Bavuz, des tapissiers, de braves gens qui confectionnaient matelas, chaises, canapés, maniant avec dextérité de grosses aiguilles, Leurs deux fils, gentils garçons limités, anciens membres du maquis de l’Ain dirigé par Henri Romans-Petit, sombrèrent dans l’alcool après la guerre. Finalement l’aîné un jour de cuite, vint chercher querelle a son cadet, commença à le tabasser et l’acheva d’un coup de chevrotine. Il termina à l’asile. »
La maison où habitait la famille Bavuz
La suite laisse à penser que tous les gamins de mon village natal étaient des sadiques en herbes.
« Gamin, j’allais souvent chez eux en vacances : l’air y était bon, on y mangeait bien, ils avaient le cœur sur la main. Toute la journée, je traînais avec d’autres gosses dans les champs : nous fabriquions des frondes, des poignards avec des bouts de métal épointés, nous tuions tous les animaux qui passaient à notre portée par une sorte de méchanceté mécanique. Nous placions des éclats de verre dans les taupinières pour que les bêtes s’ouvrent le museau en allant respirer, clouions des crapauds vivants sur les murs des granges, tirions mésanges et martinets au lance-pierre, chassions vipères, orvets et couleuvres que nous découpions en tranches, ou enflammions à l’essence de brique la queue des chats ou des chiens.
A l'époque des vacances, il y avait encore de quoi faire des victimes.
Trois tests attendaient l’étranger qui voulait accéder à la bande : il fallait d’abord tenir une guêpe ou une abeille dans son poing fermé une minute entière sans réagir aux piqûres ; ensuite voler la portée d’une chatte qui venait de mettre bas et noyer les chatons. Je l’ai fait un matin : j’ai assommé les nouveau-nés contre la pierre d’un lavoir avant de les enfermer dans un sac de jute que je maintins sous l’eau. Je revoie les petites bulles d’air rosies par le sang qui remontaient à la surface et j’en garde un souvenir horrifié. »
Ensuite vient un paragraphe sur l’abattoir de Lompnes dont je vous dispense la lecture.
« La vie champêtre vous apprend rarement l’amour de la nature, elle est d’abord une école de la cruauté »
Le livre de Pascal Bruckner décrit les relations avec son père, homme particulièrement violent. Le mien était la bonté personnifié et chaque jour je pense encore à lui, bien que décèdé en 1970.
Mais j’aurais fait le quart de la moitié du tiers du sadisme enfantin que vous décrivez, il m’aurait mis un sacré coup de pied au cul, et maintenant encore je l’en remercierais.
Le père de Pascal Bruckner fut inhumé un premier septembre 2012 par un « froid d’exécution capitale, dans le cimetière surplombé d’une ligne à haute tension. » dixit l’auteur.
Où est la ligne à haute tension. Elle se trouve plus au Nord du cimetière
Que ce soit Yann Moix ou Pascal Bruckner, il y a de l’indécence à conter ou plutôt déballer au monde, leur intimité familiale
Pas de cadavres dans les placards dans ces deux familles, les portes sont grandement ouvertes aux yeux de tous.
Certes ils ont soufferts enfants, mais il y a tant d’autres souffrances muettes dans la vie de tous les enfants de la planète.
Et cette souffrance là elle reste injustement enfermée dans les placards de tous les pays du monde.