Eugène Quentric, un sculpteur sur le plateau d'Hauteville
Si l’on vous dit : « monument aux morts d’Hauteville –Lompnes 1939/1945, Notre Dame des sommets à Corcelles, le monument aux morts de La Lèbe et de Ruffieu en Valromey, Notre Dame de l’Adoue à Chongnes, la vierge des sapins à Ruffieu », il ne s’agira pour vous que d’œuvres avec lesquelles vous vivez depuis longtemps et que vous ne remarquez peut-être plus.
Et pourtant, la période de l’après guerre a été féconde en création d’œuvres d’art dans notre région. Et les sculptures mentionnées ci-dessus sont l’œuvre d’un seul homme : Eugène Quentric.
Cet artiste vivait à Ruffieu
Quentric sculptait dans des ateliers existants ou improvisés à savoir l’atelier de Monsieur Alphonse Monnet à Champdor pour les œuvres du Plateau et la remise des locomotives de l’ancien tramway à Ruffieu pour le Valromey.
Eugène Quentric chez Alphonse Monnet
Il travaillait aussi à domicile pour créer des œuvres de dimension modeste, il reste encore des « Christ » de très belle facture chez des particuliers hautevillois.
Eugène Quentric était un élève des Beaux-Arts de Paris et devint professeur à l’école d’architecture de Lyon, Lyonnais d’adoption, il était un ami fidèle de notre région où il aimait travailler.
L’artiste choisissait ses modèles dans les pays où il travaillait, c’est ainsi que son épouse et son fils Jean François servirent de modèle pour la vierge à l’enfant de Ruffieu, inaugurée le 15 août 1944, jour du débarquement des troupes françaises en Provence. La libération était proche. C’est Mademoiselle Marchal qui servit de modèle pour le monument de La Lèbe élevé à la mémoire des 150 tués du Valromey durant la dernière guerre.
Madame Bonder fut le modèle de la liberté érigée sur le monument aux morts de la guerre 1939/1945 de la commune d’Hauteville –Lompnes qui fut inauguré le 14 septembre 1947.
A ce propos rappelons une anecdote amusante de l’époque : Les gens d’Hauteville et de Lompnes à peine remis de la fusion des deux communes en 1942 reprirent leur querelle. Les « gravellos » affirmaient que la statue de la Liberté portait son regard sur Hauteville, mais les « cognots » réfutèrent que la flamme de la Liberté était du côté de Lompnes… mais la tendance de l’époque étant à la paix, il ne s’agissait pas de déclarer une nouvelle guerre, on en resta là.
Les temps étant difficiles, pour ériger le socle de la vierge de Ruffieu, Messieurs Pothain père et fils se servirent de pierre calcaire veinée de bleu. Cette pierre fut extraite d’une carrière ouverte sur la route d’Hotonnes, elle fut transportée par les attelages de Messieurs Métral et Bailly. Malheureusement, cette pierre particulièrement gélive ne tint pas le choc puisqu’il fallut la remplacer. Le nouveau socle fut installé pour l’année mariale en 1987.
La dernière œuvre de Quentric, fut la stèle érigée dans le parc du Pontet à la mémoire du Docteur Frédéric Dumarest inaugurée le 23 septembre 1956. Taillée dans un seul bloc de pierre de Lompnes, elle symbolise la découverte.
Après Ruffieu, Eugène Quentric et son épouse se rendirent à Lyon d’où madame Quentric était originaire. Il exerça alors le métier de professeur conjointement à l’école d’architecture de Lyon et au centre d’apprentissage de Crépieux la Pape devenu par la suite le lycée technique Georges Lamarque.
Cette carrière d’enseignant ne lui a pas fait abandonner la sculpture qu’il a pratiquée dans son atelier jouxtant sa maison. Quelques un de ses élèves le rejoignaient le samedi après midi pour s’initier à l’art du modelage ou de la sculpture sur bois ou pierre sans contre partie, juste pour le plaisir.
Il est décédé brutalement d’une crise cardiaque dans sa maison de vacances de Lanvéoc dans le Finistère en Août 1980.
L’œuvre que l’artiste a laissé est considérable, environ 130 œuvres ont été répertoriées dans 17 départements français, ainsi qu’au Liban, en Israël. Il réalisa aussi des médailles pour la célèbre maison Augis.
Que dire de l’œuvre de Quentric, la simplicité des lignes de ses sculptures échappent à toute mode, et même en 2005, elles ne datent pas et restent dans la mouvance de l’art contemporain.
Trente œuvres sont visibles dans l’Ain, outre les monuments, bustes et plaques funéraires un étonnant saint Maurice est visible dans l’église de Passin.
Pour notre part, nous ne saurions trop recommander de vous arrêter pour apprécier l’œuvre de Quentric, et notamment de vous rendre à la fontaine de l’Adoue* qui inspira le grand dramaturge Paul Claudel et bien sûr notre sculpteur Eugène Quentric. Cette vierge à l’enfant aux lignes élégantes et fluides est notre œuvre préférée.
Eugène Quentric et la Vierge de l'Adoue
*Fontaine de l’Adoue entre Vieu en Valromey et Artemare.
Remerciements à Madame Le Bras de Brest, fille de monsieur Quentric, de Madame Luce Quentric, belle fille et à Monsieur Jacques SAPIN de Ruffieu pour la documentation qu’il nous a transmise avant son décès