Epidémie de typhus à Lompnes en 1843
Gravure de Lompnes 20 ans après.
Une épidémie mortelle a LOMPNES en 1843
Typhus ou typhoïde ?
Une épidémie s’est installée dans la commune en 1843 entraînant de nombreux décès. Le maire de Lompnes n’a pas failli à son devoir et il a lutté pour préserver ses administrés avec beaucoup de bon sens probablement aidé par les conseils de son adjoint le docteur Dumarest. Il en fait la description précise lors de la séance ordinaire du conseil municipal de Lompnes le 20 décembre 1843
L’épidémie et son évolution
Pendant les mois de juillet à octobre on ne relève que 3 décès : Marie-Josèphte Guy,décèdée le 30.9.1843 épouse de Jean François Garin 45 ans, pierre joseph Guy le 8 octobre 1843 âgé de 37 ans époux de Marie Césarine Dumarest, tous deux enfants de Hugues Joseph Guy et Prudence Savey..
Puis l’évolution morbide s’emballe et les cas se multiplient et l’ensemble de la communauté est atteinte.
Le maire engage son conseil à prendre en charge la rémunération de la sage femme comme garde-malade. Il justifie son choix par la qualité de celle-ci « élève de l’école de la maternité de bourg et ayant obtenu un 1 er prix »
. Du 24 aout au 20 septembre, 4 décès sont enregistrés. Le maire et son adjoint le Dr Dumarest préviennent le préfet de leur inquiétude sur l’épidémie qui règne sur la commune mais ils sont encore persuadés que l’approche des froids de l’hiver lui enlèvera le caractère contagieux qu’elle avait revêtue jusque là ; touchant essentiellement les familles habitant dans des maisons humides et mal aérées.
Malheureusement ils sont confrontés à une évolution très rapide du mal puisque 12 nouveaux cas sont comptabilisés du 24/10 au 1/11 « il était dès lors évident qu’il y avait des mesures à prendre par la mairie et que la maladie était une fièvre typhoïde contagieuse bien caractérisée
Le maire prend donc la décision d’engager un 2ème médecin pour aider le Dr Dumarest. Il songe à s’adresser au médecin des épidémies qui a pris en charge les épidémies de typhus d’Anglefort et de Malix. Mais les difficultés de déplacement liées aux conditions climatiques lui font renoncer à ce projet « il a paru indiscret et peut-être imprudent de demander à ce médecin de venir malgré ses 70 ans faire 7 a 8 voyages par mois dans la contrée la plus âpre et la plus montagneuse du département » Il ajoute « il est des cas ou les forces trahissent le courage ». Le Dr Janin est engagé sur sa haute réputation le 24/11
Du 20 au 24 Novembre le maire prend d’autres mesures :
-deux sœurs de saint Joseph s’installent dans la commune pour soigner les malades et la sage-femme Sorlin est mise à leur disposition
-Une distribution de chlorure est faite tous les 2 jours pour « traiter l’air » en réalité la « fumigation » par les sels de chlore était un traitement de surface.
-Des bons de pain blanc et de viande sont donnés aux convalescents
Puis il visite toutes les maisons et trouve un grand nombre de malades qui n’avaient pas appelés de médecin par crainte des frais.
Le 21novembre, pour 20 malades en traitement, il trouve 32 alités dans sa commune. Il constate que l’appel au médecin est trop tardif « .. . La crainte de faire les frais de médecin et de médicaments retenait bon nombre d’habitants et qu’ils ne consultaient le médecin qu’après le développement de la maladie et lorsqu’il était déjà trop tard pour la combattre avec efficacité ».le médecin n’étant consulté qu’au 10ème ou 12 ème jour il est décidé « que les frais de médicaments et de médecins seront supportés par la commune, annoncé par son de trompe et affichage par le garde-champêtre »
Du 24 novembre au 9 décembre
La maladie est en période croissante 4 décès sont enregistrés : la fille de Joseph Seytier, Dumarest Marie Césarine veuve Guy, Niogret Cécilien et Tibert Jean-Marie.
Le 3 décembre 41 malades sont en traitement dont 38 alités. Les docteurs Janin et Dumarest visitent et soignent tous les malades chaque fois qu’ils sont appelés
Le 9 décembre
La période de décroissance de la maladie est enfin observée, pas de nouveaux décès et seulement 33 malades sont en traitement
Le 16 décembre
26 malades seulement sont soignés mais on déplore le décès de Léontine Combet, ce sera le dernier
Les sœurs de Saint Joseph retournent dans leur congrégation
Le 20 décembre le conseil est réuni à la demande du maire
Il souhaite exposer les mesures prises et faire voter le règlement des dépenses occasionnées avant son départ à Paris pour l’ouverture des chambres en Janvier.
Le bilan est très lourd.
La commune a perdu 12 habitants la plupart dans la force de l’âge et 88 cas ont été régulièrement constatés
Le règlement des frais est proposé et adopté
1°pour le docteur Dumarest
Avant le 24 novembre, 646 visites ont été faites, mais il soustrait 72 visites faites à des pauvres soit 574 F. De même il réduit les frais de médicaments à 200f
Depuis le 24 novembre, le médecin fait 29 visites par jour et avait convenu le 24 novembre un tarif de 12 f pour 20 visites soit 374 f pour la période. S’y rajoute 111, 80 F de médicaments
Soit un total de 1259.80F
2° pour le docteur Janin
600F tous frais compris
3°pour la sage femme
1F par jour pour le mois de septembre et 2.5F par jour pour les 3 mois finissant le 1er janvier
Soit 255 F
4°pour la charité à Niogret dit Jean de l’hôte ; malade impotent qui a eu ses quatre enfants malades : 100 F
5° pour le voyage aller et retour des sœurs de Saint Joseph : 40 F
6°pour le garde champêtre pour services et distribution de chlorure : 30 F
7° à la femme Seytier qui a veillé 15 jours dans une maison très infectée : 30 F
8° à Sorlin, mari de la sage femme 5 F pour service auprès du médecin
Les frais de 2319.20F liés à l’épidémie sont considérables. Une première somme de 1010 Fr sera couverte par la 1ere traite des coupes de bois. Le reste sera payé lorsque les sommes allouées par le département et le ministère de l’intérieur seront connues
En dehors de ces dépenses, la solidarité entre habitants a pourvu jusqu’à ce jour aux distributions de chlorure, de pain blanc, de viande, de bois de chauffage, aux dépenses des deux sœurs et autres secours aux malades et convalescents.
Le 1er janvier 1844 le conseil est nouveau réuni en l’absence du maire en déplacement à Paris pour suivre l’évolution. De nombreux malades sont encore alités dont deux dans un état grave : la servante de Seytier Joseph et la femme Pernon. Le docteur Dumarest est invité à poursuivre ses soins et une nouvelle somme de 212. 35 Fr. lui est allouée ; le salaire de la sage-femme est suspendu
L e 1er février 1844
L’épidémie est jugulée. Aucun nouveau cas n’est signalé et les derniers frais sont votés a l’unanimité : 40 Fr à Léonie Pernon pour son dévouement, 46.20 Fr. à l’aubergiste pour fourniture de pain et de viande aux indigents depuis le 20décembre. 79 Fr au Dr Dumarest pour 60 visites et médicaments
Typhus ou typhoïde
En l’absence de description clinique précise l’étiologie de l’épidémie est impossible à déterminer. Les termes de typhus et de typhoïde sont indifféremment employés dans les délibérations du conseil vraisemblablement écrites sous la surveillance du Dr Dumarest adjoint
Typhus et typhoïde sont tous les deux caractérisés par un état d’abattement extrême, de stupeur
C’est vraisemblablement le typhus qui a frappé Lompnes en 1843, terme le plus souvent cité dans le texte. L ‘épidémie a déjà frappé deux communes voisines. Elle se développe dans des habitations insalubres. la municipalité demande des aides au préfet et au ministère de l’intérieur. Tous ces arguments ne vont pas dans le sens d’une fièvre typhoïde aiguë.
Il est enfin noter la grande énergie et la grande solidarité mis en œuvre par le maire, les médecins et les habitants pour juguler ce fléau.
Peinture de Lompnes et son château en 1864
documents communaux, travail de décryptage de Jean Salamand