LE TEMPS DES PETITS BISTROTS……
LE TEMPS DES PETITS BISTROTS……
Ce n’était pas un vrai métier, tous les « bistroquets » que j’ai connu étaient pluriactifs, ils étaient paysans, bouchers, coiffeurs, épiciers, leur fond de commerce était plus une institution qu’une boutique.
Pas de radio, pas de télé, le café était le seul lieu de rencontre pour les habitants qui travaillaient du lundi matin au dimanche à midi.
Ouverts de l’aube à minuit, c’est à la veillée, en revenant de la fruitière que les bistrots connaissaient le plus d’affluence.
Autour d’un ou plusieurs pots, on y refaisait le monde qui en avait déjà tant besoin, en patois bien sûr puisque l’on était entre nous. Le dimanche soir on y chantait…dire que l’on chantait juste est peut être excessif et entre les deux guerres, les clients qui étaient en majorité d’anciens combattants un peu grisés après ces libations nous rappelaient tous les airs de 1914/1918.
L’après midi on avait déjà joué aux boules, des boules cloutées qui ont totalement disparu. Les moins valides faisaient la belote et le lundi matin ceux qui avaient mal dormi ou mal « cuvé » passaient boire une « ganache »* sensée tout remettre en ordre et faciliter le démarrage.
A champdor, il existait bistrots ; fort heureusement il en reste un, le relais du château, récemment crée.
Quand il fallait se rendre au village voisin, il n’était pas pensable de faire le voyage sans « trinquer » : aller boire un pot avec une connaissance ou à défaut le propriétaire du lieu.
Les petits cafés étaient le centre des activités villageoises, en période électorale, les listes adverses avaient chacune leur base (pc) dans des établissements différents et les réunions se terminaient toujours au milieu d’une forêt de pots.
Même Nantuy avait son café Escale :
A Hauteville, le football avait son siège au café des Touristes
,l'amicale boule au café Graner,
les skieurs de Lompnes étaient familiers du café Fazille aujourd’hui disparu (en face de la chapelle de Lompnes),
café Fazille
on allait danser chez Pascal (près de l’établissement La Fresnaie),
Hôtel restaurant chez Pascal
on consommait chez Savarin en portant son lait à la fruitière (en face de la boulangerie Dessales) le piano mécanique fonctionnait aux carrières chez Persicot
l'ancien café Persicot et son piano mécanique
et l’on pouvait manger la fondue chez tous les tenanciers du plateau.
L'ancien Provençal
A la gare de Brénod, conducteurs et voyageurs allaient trinquer au café de la gare avant de s’élancer à l’ascension de la Chenalette.
C’était la vie qu’ont connue mon père et mes grands pères, convaincus que l’on ne parlerait plus de guerre et qu’un monde nouveau pouvait alors commencer.
Entre « l’Assommoir » et « le parlement du peuple » comme les avaient baptisé deux célèbres auteurs, les bistrots avaient su garder une vie associative que tout le monde regrette aujourd’hui et ma complainte n’y pourra rien, il n’y a pas de retour en arrière possible.
A titre indicatif en 1935, il y avait 62 cafés sur le plateau plus les pensions et les maisons de cure qui tenaient toutes un petit bar privé.
Aujourd’hui, si l’on excepte Hauteville, il en reste à peine …dix bistrots rescapés devenus services publics, où l’on s’arrête pour un renseignement, où l’on cherche à se dépanner. On s’y installe en attendant l’heure d’un rendez-vous et leurs portes sont toujours ouvertes les jours de mauvais temps aux pique-niqueurs du dimanche.
Marius Guy