Du moment qu'on sème
Du moment qu’on sème !
Enfin le printemps est là avec sa timidité montagnarde habituelle et ses faibles gelées nocturnes persistantes.
La première hirondelle en apporte la confirmation et le jardinage peut commencer.
A l’instar des années précédentes, le volume des espérances dépassera encore celui des récoltes.
Le jardin, c’est ce petit univers sacré accolé à la maison et bénéficiant d’une grande considération ; enrichi de tous les produits naturels capables de le rendre de plus en plus productif et préservé par un grillage pour éloigner les chiens les poules et les gamins.
Sans modestie, ils deviendraient tous des jardins de cocagne si le réchauffement climatique prévu par nos savants arrivait jusqu’à nous, mais la saison est si courte qu’il serait plus facile d’y faire pousser des jonquilles que des mimosas.
Contentons nous donc de nos plants, les plus rustiques, les mieux acclimatés, on passe tant de temps avec eux qu’on ne peut que les apprécier et les chouchouter.
Il n’était pas pensable autrefois de ne pas avoir son « courti »*, même ceux qui ne possédaient pas de maison, défrichaient à la pioche un lopin dans un terrain communal, préservé par une haie artificielle.
Aujourd’hui, la plupart sont devenus pelouses, les grands jardins de mon instituteur où l’on expérimentait, il y a fort longtemps, le nitrate de soude du Chili ou le guano, engrais miracles des années 30.
Ils sont devenus terrains de sport.
Je garde le souvenir de cet Eden ceint de grands murs garnis d’espalier où des branches palissées supportaient des poires tentantes mais dont nous avons tous perdu le goût.
Ce fut aussi le début des classes vertes, chaque après midi, les élèves en rangs et guidés par notre maître, prenaient la clé des champs, équipés de vieilles boites de conserve pour ramasser les premiers doryphores venus d’outre atlantique pour manger nos pommes de terre.
Il m’est difficile de parler jardin sans évoquer les choux, ces choux qui ont donné une certaine « célébrité » à notre pays. Commercialisés par les peigneurs de chanvre et par une importante graineterie de Bourg sous l’appellation « Choux de Champdor ». il y a bien longtemps, ils avaient acquis une certaine réputation : tout l’Est de la France ayant été prospecté, ils avaient pu donner un certain élan à la choucroute alsacienne.
J’ai même imaginé que Marguerite d’Autriche qui avait emprunté au règne végétal des motifs de décoration pour son église de Brou sous l’appellation « choux fleuris », n’avait pu que choisir les nôtres comme modèles puisqu’ils étaient les meilleurs et les plus beaux.
Prétentions ? Elucubrations ? Pas si sûr !
Marius Guy
*« courti » patois de courtil (petit jardin)
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