Chartreuse de Portes : 900ème anniversaire
900 ème anniversaire de la chartreuse de Portes.
L’érémitisme est une tradition très ancienne dans la chrétienté, le père du désert dont on se souvient le plus est Saint Antoine et cela remonte au 4 ème siècle. Le monachisme est plus tardif il faudra attendre Benoit de Nursie, fondateur de la règle bénédictine, V et VIème siècle, Bruno de Cologne fondateur des Chartreux 1030-1101,
Bernard de Clairvaux, 1090-1158 fondateur des Cisterciens, Dominique 1170-1221, pour que les retraites monastiques prennent naissance sur notre territoire. Le terme moine vient de « monachus » qui signifie solitaire.
Nous ne retiendrons que Saint Bruno fondateur de l’ordre des Chartreux. Cet ordre tient son nom de la grande Chartreuse près de Grenoble. Cette Grande Chartreuse et celle de Serra San Bruno en Calabre, sont les deux monastères fondés par Saint Bruno.
« Qui cultive le silence récolte la sagesse. »
Ce qui frappe le plus quand on atteint la Chartreuse de Portes située dans l’une des montagnes du Bugey, à 1000 mètres d’altitude, c’est justement le silence. Les premiers moines disaient « le silence clarifie ce qu’il y a de trouble en nous ».
Nous, nous ne supportons guère le silence, il pèse sur l’homme moderne : nous aimons les bavardages des rencontres, la radio reste allumée à longueur de temps, le soir, la télévision prend le relais. En voiture, la radio est branchée la plupart du temps. Nous vivons dans un brouhaha constant, et pourtant !
Essayez un seul jour de débrancher tous les appareils qui font du bruit et vous serez étonnés de ressentir votre esprit entrer en réflexions intérieures, c’est d’abord un ramassis de pensées inutiles puis vient ensuite une méditation qui vous entraîne sur les choses importantes de votre vie.
En 1115, il n’existait pas cette folie du son à tout prix, et pourtant les premiers moines fondateurs recherchaient déjà le retrait du monde et le silence.
Les bâtiments :
Les lieux sont clos, bien évidemment. Passé le portail, nous entrons dans le cloître qui donne accès aux cellules puis dans une cour intérieure carrée, dont le centre est occupé par le cimetière, seul endroit de la chartreuse qui n’a pas changé depuis 1115 et qui recèle les restes de tous les moines décédés depuis la création de la chartreuse.
Les bâtiments entourant cette cour sont constitués par les cellules et l’église qui est le centre du monastère.
Pour chaque cellule, sur leur façade extérieure, un guichet qui reçoit la nourriture et une porte qui conduit à une partie basse, où l’on trouve les communs : sanitaire, établi pour le travail, réserve de planchettes, ouverture sur un petit jardin privé. Un escalier permet d’accéder à la partie haute, constituée d’un oratoire, d’une table de travail, un lit et un fourneau à bois pour le chauffage.
La vie économique est assurée par un petit artisanat réalisé par les moines en cellule (confection des boîtes en bois pour l'emballage des bouteilles de la liqueur de "Chartreuse"), par quelques travaux forestiers, par des dons et par les pensions des moines âgés. Les frères assurent le service quotidien de la communauté et l’entretien de la maison.
L'hôtellerie reçoit seulement les familles des moines une ou deux fois par an.
Fondation de la Chartreuse de Portes :
Première maison de France à s'être ralliée à la Grande Chartreuse, Portes a été appelée "la fille aînée de l'Ordre cartusien" Elle reçut également la dénomination de "Chartreuse des saints" car elle abrita à l'origine des moines de haut mérite, dont quelques-uns sont vénérés comme saints ou bienheureux : saint Arthaud, saint Anthelme, le bienheureux Ayrald, saint Étienne de Châtillon.
Saint Arthaud est le plus connu des gens du plateau, car il voulut fonder une Chartreuse sur le site actuel de la Chapelle de Mazières, ce qui ne put être réalisé, il fonda Arvières où la population devait être plus réceptive.
1115 Bernard de Varey et Ponce, moines de l'abbaye bénédictine d'Ambronay, se retirent au massif de Portes, désireux de vivre la même vie solitaire que mènent depuis 1084 les fils de St Bruno dans le désert de Chartreuse.
1125 Construction du premier monastère bâti en pierre, au même emplacement que la chartreuse actuelle.
1640 Commencement de la reconstruction du monastère. De 1660 à 1662, une nouvelle église conventuelle est édifiée.
1789 – 1799 Pendant la Révolution française, la communauté doit se disperser. Dom Vallet demeure seul dans sa cellule jusqu'à sa mort (1799), secouru par la charité des gens du voisinage.
1855 Les chartreux rachètent Portes, dont les bâtiments ont été laissés à l'abandon par les divers propriétaires successifs. Le monastère est restauré et une communauté y reprend la vie régulière.
1901 Les chartreux de Portes doivent s'expatrier en Suisse, face à la menace des lois d'expulsion.
1951 Le monastère est racheté par l'Ordre des Chartreux.
1954 Un moine chartreux, Dom Emmanuel Cluzet, s’installe à Portes comme gardien du monastère et surveille les premiers travaux de restauration.
1970 Achèvement de la remise en état des bâtiments.
1971 Une nouvelle communauté s’y installe dont le noyau principal est fourni par la chartreuse voisine de Sélignac.
L’ordre des Chartreux est le seul ordre qui n’a subi aucune réforme profonde depuis sa création.
Cet ordre a su s’adapter aux usages selon le temps. Et son symbole en dit long « Roulent les Mondes, la Croix demeure »
La journée d’un moine de Portes
23h 45 : Matines de la Sainte Vierge
0 h 15 : Matines et Laudes à l’église
Coucher après Laudes
6h 45 : lever
7 h : Prime –oraison
7 h 30 : Angelus
8 h : messe conventuelle à l’église
9 h : Tierce
Puis travail manuel
12 h : Angelus
Sexte – repas-détente
14 h : none –travail manuel- lecture
17 h : Vêpres de la Sainte Vierge
17 h 15 : Vêpres du jour à l’église
18 h 15 repas ou collation – les repas sont frugaux, pas de viande, ils sont constitués de poisson, œuf, légume - exercices spirituels
18 h 45 : Complies célébrées en cellule.
20 h : coucher. Cet horaire n’est pas impératif, il est adaptable selon chacun des moines.
La liturgie communautaire est chantée en latin pour toutes les pièces grégoriennes (comme dans toutes les maisons de l’Ordre), et en français pour les lectures, les psaumes et les prières d'intercession.
La vie communautaire :
Actuellement (janvier 2015), la communauté est composée de 15 moines dont 5 encore en formation. La maison compte aussi deux familiers laïcs qui partagent pour une part la vie de prière et de travail de la communauté. Les divers âges y sont représentés avec plusieurs grands anciens et un bon groupe de moines encore jeunes.
Le Prieur de la Chartreuse est élu, rien ne le distincte des autres moines. Des visiteurs canoniques, viennent vérifier la bonne marche du monastère. Un prieur peut être déchargé de ses fonctions en cas de santé déficiente, ou parfois déposé, s’il est jugé insuffisant pour sa fonction, c’est le Chapitre Général de l’Ordre qui en décide.
« La vie menée à la chartreuse de Portes, dans un cadre particulièrement solitaire et silencieux, au sein d’une petite communauté à caractère familial, répond bien à l’idéal de la vocation cartusienne tel qu’il a été défini aux origines de l’Ordre par notre Père St Bruno et par Guigues dans ses
« Coutumes » : former ensemble une communion de solitaires pour vivre dans l’intimité la plus étroite possible avec Dieu, Père, Fils et Saint Esprit, sous la douce protection de Marie, « Mère toute spéciale des Chartreux ». La Vierge Marie est aussi la Patronne de la Maison de Portes sous le vocable de « Notre-Dame de l’Assomption ».
Les candidats désireux d'étudier une éventuelle vocation cartusienne peuvent participer entièrement à la vie quotidienne des moines, pour une durée à fixer avec le Père Maître (premier contact, séjour d’une ou deux semaines pour une première expérience, ou d’un mois pour une retraite complète de discernement). Pour déterminer la meilleure solution, il est recommandé de prendre directement contact avec le Père Maître par courrier postal, électronique ou bien par téléphone avant le commencement du grand silence qui suit la sonnerie de l’Angélus du soir, à 18h45.
La vocation de moine chartreux n’exige nullement des qualités ou des vertus exceptionnelles. Elle correspond à un appel totalement immérité du Seigneur et c’est le soutien de sa grâce qui permet d’y correspondre. Souvent, c’est l’expérience seule qui permet de discerner la réalité de cet appel. –Prieur François Marie –
Les Chartreuses dans le Monde :
Elles sont au nombre de 22, dans la plupart des pays d’Europe, mais aussi Brésil, Argentine et Corée du Sud…
Une journée exceptionnelle :
Rompant avec la tradition de retraite et de silence, et pour honorer le 900ème anniversaire de sa création, une cérémonie d’ordination sacerdotale du frère Maryjo, aura lieu le 27 Juin 2015 à 15 heures devant la porte de la Chartreuse. Elle sera présidée par Monseigneur Pascal Roland, Evêque de Belley-Ars.
Ce sera la troisième fois en 900 ans, qu’une cérémonie se déroulera en extérieur : en 1978 pour l’anniversaire de la mort de saint Anthelme, en 1984 pour l’anniversaire de la fondation de l’ordre et ce 27 juin 2015.
Cette cérémonie sera tout à fait exceptionnelle, et les chrétiens de la région monteront ce jour-là sur la montagne du Bugey pour accompagner le nouvel ordinand et rendre grâce pour la présence de tous ces religieux qui ont prié pour nous durant tant de siècles.
Commentaire adressé à la suite de cet article par Monsieur Coux
Merci à l'auteur pour toutes ces précisions
Article très intéressant. Je me permets cependant de faire quelques correctifs : sur le début de son article. La tradition monastique dans le Bugey est antérieur à Saint Benoit. L'origine vient plutôt de moines qui viennent de Lérins (près de Canne) . Des monastères vont être fondé avec l'aide des évêques de Lyon et Genève qui ont été eux aussi des moines de Lérins.(Eucher qui a écrit la vie de Saint Maurice et la légion thébaine pour Lyon et son fils Salonius à Genève).Ces monastères seront Saint Claude et Saint Rambert.
La fondation de ces monastères semblent avoir un lien directe avec l'implantation de milice burgonde dans la province de Sapaudia en 443.
La tradition des chartreux n'est justement pas la tradition bénédictine. Elle se rapproche plutôt de la tradition lérinienne (dont l'origine mystique est l'égypte avec l'érémitisme incarné par st Antoine). Les grands théologiens de la pensée Lérinienne sont outre Eucher, Salvien mais surtout Cassien (ce dernier a vécu en Egypte).
Autre fait important : la chartreuse accueillera l'archevêque de Lyon Héraclius de Montboisier qui avait fuit sa ville attaquée par le comte du Forez. Ce dernier était alors un partisan du pape alors qu'Héraclius était un partisan de l'empereur. Ce dernier l'avait nommé d'ailleurs Exarque du sacré palais de Bourgogne en 1157 (une sorte de chancelier pour le royaume d'Arles et de Vienne. Charge qu'il partageait avec l'archevêque de Vienne).